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Le renard et les raisins

Qui n'a jamais pensé à combattre une évidence? S'attaquer à ce fameux bon sens dont Descartes fait la chose la mieux partagée?

Ce fameux bon sens qui est en fait le meilleur dispositif d'oppression, qui assène son discours comme une indubitable vérité, celle des ses parents, de ses pairs, d'une société.

Prenons un exemple qui évoque ce merveilleux sens commun.

Lisons:

Un renard affamé se promenait dans un verger. Soudain, il aperçut de merveilleuses grappes de raisin. Il eut tout de suite l’eau à la bouche. Il sauta aussi haut qu’il put mais il n’attrapa aucun raisin.

Il essaya plusieurs fois sans résultat.

A la fin, vexé, il tourna les talons. Il pensa que, de toute façon, ces raisins étaient trop verts. Ce que l’on ne peut avoir, on dit qu’on n’en veut pas.

Esope, Le renard et les raisins.

Détruisons:

Combattons l'infâme! Ce genre de connerie gangrène notre rapport au monde, s'immisce et mine nos arguments les plus fins, s'insinue souterrainement et nous fait toujours passer (sauf pour les copains?) pour des renards d'Esope.

L'un : "Ouais, tu dis ça, tu dis que t'en veux pas de cette voiture de luxe mais c'est parce que tu peux pas te la payer!"

L'autre: "Non, je dis ça parce que je m'en tape!"

Le premier ne va-t-il pas mettre cette réponse sur le compte du déni ou de la mauvaise foi? Peut-être. Probablement.

Mais pourquoi?

On suppose toujours une subjectivité constituée, désirante, déterminée par une volonté objective et consciente d'elle-même. On y tient.

Pourtant la psychanalyse, les neurosciences ainsi que toute le fondement philosophique sur lequel ces théories émergent, montrent assez que nous sommes déterminés dans nos choix par des causes qui nous échappent, que nous ignorons, des "petites perceptions" disait Leibniz, tant psychologiques que physiques.

Il y a toute une partie de notre vie qui nous reste obscure, un pan préréflexif. Nous sommes portés vers les choses, le monde, les autres, non pas comme si nous étions des clients dans les rayonnages d'un hypermarché, mais de façon active et dans la réciprocité. Nous faisons nous-mêmes parti du monde, il est notre corps non-organique, nous entretenons en ce sens avec lui un rapport pulsionnel bien avant que ce rapport ne soit réflexif, de l'ordre de la pensée.

Nous ne désirons jamais un objet en soi mais toujours le monde de relation, la symbolique que cet objet porte en lui, avec lui. Nous désirons à la fois ce monde là de l'objet et nous-mêmes comme sujet désirant conscient de lui-même. On se veut comme étant ceci ou cela. Sartre l'a déjà bien montré.

L'idée que le rapport à l'autre n'est que calcul dans l'intention d'en tirer le maximum d'intérêt et de profit (Le marquis de La Rochefoucault et les Moralistes français du XVIIème s qui faisaient de l'amour-propre le ressort secret, le mobile de toute entreprise) ne repose elle aussi que sur le présupposé que nous venons de dénoncer. Celui précisément qui se donne l'homme comme tout fait, sujet désirant, conscient de lui-même et qui oublie, qui élude toute la base pulsionnelle, corporelle, en un mot la vie qui sous tend l'être de l'homme.

An contraire, si nous entendons l'homme comme corps préalablement dans un rapport pulsionnel, affectif, préréflexif au monde, il devient possible de déconstruire les pseudo acquis du bon sens.

L'idée qu'au fond nous désirons tous la même chose, à savoir une richesse maximale, le plus de profit et ceci à tous prix, c'est de la merde et c'est faux. Je crois, j'espère en avoir assez montré les présupposés pour en contester les prétentions de vérité absolue.

Tout n'est pas déjà écrit, il n'y a pas non plus de cycle de l'histoire, ou de fin de l'histoire, ou de Providence quelconque, il y a de l'évènement au contraire, un autre monde est possible, tout reste à faire et à dire.

Il existe une spontanéité pulsionnelle, spontanéité du Désir, spontanéité créatrice.

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