Je rap

 

 

"Je rap" de NTM, titre extrait de la compilation Rapattitude (1990).

Tous les détracteurs du rap devraient écouter cette phase de Kool Shen (qui nous gratifie au passage d'une magnifique coupe de mulet) :

« ça semble clair, limpide, facile à faire mais

Tout est étudié, chaque parole est dosée, pesée

Pour renforcer, rehausser la qualité de mon phrasé ».

Eh oui messieurs, ce n'est pas si facile que ça à écrire un texte de rap! De plus, j'aimerais bien vous entendre le rapper ou vous voir sur scène...

Car le rap est avant tout une performance, c'est un art performatif par opposition à la tendance occidentale qui favorise les arts plutôt contemplatifs.

Il s'agit, dans le rap, plus de faire que de dire. Primauter de l'acte sur le sens. La performance (le flow, l'attitude, le faire) prime sur le sens (le dire). Comme le dit Ill des X-Men : « il faut que ça le fasse à l'oreille » et le sens est secondaire (d'où l'egotrip). Ou encore Chuck D. des Public Enemy : « Le rap c'est comme au basket, boum, boum, quatre passes et un panier »!

On est là plus dans la continuité de traditions, notamment africaines telles que le Ring shout, le cercle de danseurs-chanteurs-musiciens que l'on retrouve aussi dans la capoeira par exemple. C'est à celui qui se distinguera le plus grâce à sa performance (d'où l'arrogance, la vantardise de certains). Faut se démarquer, faut qu'ça l'fasse!

Walter Benjamin, philosophe juif allemand, poursuivi par les nazis, s'est suicidé en 1940. Il avait bien vu en germe, déjà, cette modification de l'art dans son livre L'Oeuvre d'art à l'heure de sa reproductibilité technique : " Les techniques de reproduction ont atteint à un tel niveau qu'elles vont être en mesure désormais, non seulement de s'appliquer à toutes les oeuvres d'art du passé et d'en modifier, de façon très profonde, les modes d'influences, mais aussi de s'imposer elles-mêmes comme des formes originales d'art " (le sample par exemple). Et encore : "l'art culturel occidental est un art de la contemplation et non du jeu en acte"...

D'où aussi la place importante de l'improvisation dans le rap. Comme si le produit n'était jamais fini, le morceau jamais bouclé, laissant place à une interprétation infinie, à une reprise incessante. L'auditeur (ou le spectateur) observe l'oeuvre en train de se faire alors que dans un art contemplatif on est face au produit fini (même en musique qui suppose la partition) qui est plus un dire.

Mais trêve de discussions, il n'y a qu'à écouter (et encore plus à observer) Joey Starr pour comprendre cela. L'artiste est à l'oeuvre.

 

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