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En Méditerranée

 

 

Au vu du bain de sang que devient la Méditerranée, quasiment 2000 morts par noyade en 2015, je crois, et nous allons brièvement voir pourquoi, que seul une texte poétique peut en rendre compte. On assiste à une accélération de l'histoire de l'Afrique, à la mondialisation des conflits qui s'y déroulent et qui prennent racines dans les phénomènes religieux fanatiques et économiques dont on a déjà abondamment parlé.

Dans cette chanson "En Méditerranée" extraite de l'album Il y avait un jardin (1971) de Georges Moustaki, ce dernier décrit donc ce "bassin" qui voit converger trois continents et qui évidemment se trouve être le foyer de guerres incessantes : "Il y a l'odeur du sang qui flotte sur ses rives..." On ne saurait mieux dire aujourd'hui, le texte est vraiment d'une étonnante actualité!

Poursuivons : l'auteur parle aussi "des îles barbelées" que l'on pourrait comparer à celle de Lampedusa qui est la destination que désirent atteindre les réfugiés lybiens notamment. Les "oliviers", symboles par excellence du biotope méditerranéen, "meurent sous les bombes". Autant de mots tissant le texte et qui font apparaitre, mieux que ne le ferait une description journalistique, linéaire et narrative, la situation dans toute sa dimension tragique et pathologique (au sens strict de pathos).

La poésie qui vient du grec poiein signifiant faire, créer, fait advenir le monde à l'être, le révèle par l'éclaircie de la signification. Heidegger dans Acheminement vers la parole montre en effet que le mot précède le sens. Le mot n'est donc pas seulement un signifiant, l'expression sonore d'un signifié préalable qu'il s'agirait d'évoquer. Il faut comprendre la pensée comme un chaos, un matériau, un tout indéterminé. Un peu comme la sculpture est déjà contenue dans le bloc de marbre auquel l'artiste donne forme, il faut, et c'est strictement une révolution, considérer le mot comme ce qui informe, donne forme et fait advenir au jour (aletheia, vérité en grec, étymologiquement : levée du voile) ce qui est parlé. La poésie (ou l'art en général), révèle la vérité de l'être, nous dévoile l'objet de la pensée. Le temple découvre le rocher sur lequel il est construit. C'est le Parthénon qui nous découvre l'Acropole et non l'inverse, la statue qui découvre la nudité indéterminée (nature pure) du bloc de marbre.

Telle est la force de cette chanson, elle ne décrit pas la Méditerranée comme si cette dernière pouvait être saisie d'un regard dans sa géographie et son histoire (en droit infinis et comme si elle était, finalement, déjà art ou tableau-image, circonscrite) mais la fait naître littéralement sous nos yeux, la fait apparaitre dans la nudité d'un commencement.

Espérons, même si cela exigerait de fortes et réelles volontés politiques et qu'il n'y a aucune fatalité dans les évènements actuels, que la "colombe" reprenne un jour son vol au-dessus de notre mer et qu'un "bel été" illumine enfin continûment les peuples qui la bordent.

 

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