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Du Bricolage

 

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Cette semaine, je vous propose du bricolage. Le bricolage est un concept construit par Levi-Strauss dans La pensée sauvage. Il s'agit dans cet ouvrage, de découvrir les structures de la pensée à l'état 'sauvage', de tenter d'en saisir les commencements. C'est évidemment une hypothèse de travail qui vise à élaborer une méthode d'investigation en ethnologie et notamment pour l'étude des mythes divers et variés produits dans le monde. L'hypothèse du structuralisme repose sur cette 'croyance' en des structures universelles de la pensée.

Mais revenons au bricolage :

Contrairement à l'ingénieur qui considère la fin, l'objectif visé, avant de réunir les moyens nécessaires à sa réalisation, la pensée sauvage bricole. A partir d'une masse indéfinie d'objets hétéroclites, dépourvus de sens prédonné, d'artefacts, parcelles d'outils, matériaux divers, le bricolage consiste en un assemblage fortuit, opportuniste, libre. Le 'produit fini' se construit comme de lui-même, sous les yeux du bricoleur qui assemble des bouts, des signifiants, spontanément.

Il en est de même pour l'invention des mythes. Des types, archétypes s'assemblent. Tel animal, la poterie, le métal, l'enfant, l'eau, tout cela s'assemble dans une structure signifiante après-coup.

Je vous propose donc un bricolage à partir d'un extrait de Moby Dick, d'une photographie, du vin, de Socrate, de bric et de broc.

Voici donc un extrait du livre de Melville, le capitaine Achab parle :

"Gars, tous les objets visibles ne sont que des mannequins de carton, mais dans chaque évènement... dans l'acte vivant... derrière le fait incontestable, quelque chose d'inconnu et qui raisonne se montre derrière le mannequin qui, lui, ne raisonne pas. Si l'homme veut frapper, qu'il frappe à travers le mannequin! [...] Parfois je crois qu'au-delà il n'y a rien. Mais tant pis."

Achab veut tuer la baleine pour 'voir' derrière. Mais il n'y a rien derrière, pas d'arrière-monde. Sa recherche est vaine, le monde est tout là, dans son apparence, tel qu'il nous apparaît, pure présence phénoménale. Quel sens, en effet, y-a-t-il à douter, en faisant usage, nécessairement, de notre pensée, de la pensée elle-même comme aperception du monde? Pour reprendre ce "faux problème" exposé par Bergson, on peut dire qu'il y a plus dans l'idée de néant (négation du donné immédiat de la perception) que dans celle de monde comme présence. Le monde est tout là, hic et nunc.

Herman melville moby dick

Pas d'outre-monde ni d'outre-tombe. Ces idées, je crois, relèvent de la sourde intuition en nous, précisément, de la vanité du moi ; ne sont que l'intuition de ce dépassement, de ce débordement du moi que l'on pourrait appeler l'outre-moi ou ego (concept dont nous avons déjà assez parlé).

Déjà Feuerbach, Freud, pour ne citer qu'eux, avaient vu dans le phénomène religieux la tentative inconsciente d'une absolutisation du moi. L'assassin, le fanatique religieux, frappent vainement. Comme le capitaine Achab, ils frappent la baleine blanche ou le monde haï, honni, profane. Ils croient trouver une identité (vaine recherche!) dans la séparation, un morcellement du monde, de l'autre, alors que le morcellement est en eux.

C'est notre schizophrénie essentielle qu'ils ignorent, notre dualité ego/moi. Nous sommes si proches de cette vie de l'ego, de ce flux phénoménal impersonnel, que nous ne pouvons l'apercevoir, nous en faire une image. Comme le micron ( un millième de millimètre) par exemple n'est pas imaginable mais n'est que pensable, cette dualité en nous n'est pas imaginable, juste pensable.

Le monde est une image, des images nos pensées, les choses. Tout comme nous regardons la télévision sans savoir comment elle fonctionne, quels sont, en dernier ressort, les phénomènes physiques qui s'y jouent, nous vivons sans comprendre ce phénomène, la vie. Nous en sommes trop proches, acteurs et spectateurs, sujets et objets. Pareillement, nous sommes tellement 'grecs' que nous ne le savons pas et toutes les exclusions économiques n'y feront rien...

Cependant, je crois qu'il existe des expériences, des rituels qui nous rapprochent de la vie universelle, oubliée dans les processus schizophréniques du moi.

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En effet, il y a quelque chose dans l'ivresse qui est de l'odre du rituel. Le rite comme mise en relation avec le sacré, le dieu si l'on veut, la vie. Il y a quelque chose, disais-je, qui tient du rituel, du rite sacrificiel même. Le sacrifice de son moi psychologique et mondain au profit des sources chtoniennes et bacchiques de la vie. Le sacrifice propose un surplus de sang et de feu, une outrance, un outrage même, un excès. Cet excès est destructeur, il prend la vie individuelle et personnelle pour la mêler, la confondre dans l'unité divine (réelle ou phantasmée d'ailleurs, ici n'est pas la question).

Au fond, l'ivresse, très proche de l'inspiration artistique, est un ravissement, un désaisissement de soi. Le 'trop', l'abondance, l'excès, finalement, submergent le moi pour le recouvrir du manteau de l'ego asubjectif et impersonnel. L'ego est cette vie que nous sommes et qui nous dépasse, qui dépasse toujours déjà toute prétention individuelle, personnelle, psychologique.

L'ivresse de la fête, un verre de vin comme un sacrifice de soi (comme en-soi). Le sacrifice qu'exige une guerre.

Cependant, alors que la guerre est séparation d'avec l'autre (l'ennemi strictement), la fête se fait à l'unisson de l'autre. Aussi n'exige-t-elle pas la destruction de l'autre par soi mais de soi par l'autre. "Je est un autre" (Rimbaud).

La 'descente', l'état dépressif d'après la fête, n'est au fond que la prise de conscience de notre schizophrénie. La découverte de sa propre vanité, de notre mort programmée car on boit du vin comme Socrate la cigüe.

Il y a dans la fête mais dans l'art aussi (proximité de l'ivresse et de l'inspiration dans le monde grec, ravissement de soi, 'transport' par les Muses), nous l'avons déjà vu, perçu, comme un souffle de mort, notre mort, mieux que programmée finalement : accomplie!

La photographie révèle souvent un fond de tristesse et de mélancolie. Elle nous figure le visage de la mort.

4 heads new york 1955 c william klein

(William Klein - Four heads - 1955 - New York)

 

A présent, c'est à vous de 'bricoler' pour trouver du rapport entre tout ça, ce qui a été dit, et l'actualité.

Bon courage!

 

Commentaires (1)

1. Cyrille 05/07/2015

"qu' importe le flacon, pourvu qu'il y ai l'ivresse". Du Yang tse kiang au Maroni, que la fête soit belle....

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