Créer un site internet

Bring back our girls

 

Etudiantes nigériannes enlevées

 

La photo montre les 276 étudiantes nigériannes enlevées par Boko Haram au Nigéria. Je ne vous conseille pas de chercher plus d'images, ce que j'ai fait pour vous, en tapant le nom de la secte sur un moteur de recherche. Ce ne sont que corps suppliciés et calcinés. C'est immonde.

Hier, cela faisait un an qu'elles avaient disparu ce que nous rappelle le mouvement "Bring back our girls" qui oeuvre dans l'optique de leur libération.

J'ai l'impression que le monde se referme progressivement. Bientôt, on ne pourra plus partir découvrir d'autres contrées, on n'aura plus que le village voisin et encore... La peur s'installe dans le monde. Remarquez qu'en nos temps de péril écologique, c'est pas plus mal. En effet, les voyages sont coûteux, ont un bilan carbone élevé, etc...

Entre les méfaits du colonialisme et des extrémismes religieux, le continent africain tend à se fermer sur lui-même et aux occidentaux, à leur opposer un autre modèle civilisationnel.

Alors bande de connards, l'Afrique n'est toujours pas entrée dans l'histoire?

Je fais ici référence, vous l'aurez compris, au discours de Dakar de 2007 prononcé par Sarkozy et écrit par Henri Guaino (Guano plutôt!) dont je vous livre l'extrait le plus hallucinant. Vous pouvez, si le coeur vous en dit, retrouver l'intégralité sur Wikipédia.

C'est fou :

 

Le drame de l’Afrique, c’est que l’homme africain n’est pas assez entré dans l’histoire. Le paysan africain, qui depuis des millénaires, vit avec les saisons, dont l’idéal de vie est d’être en harmonie avec la nature, ne connaît que l’éternel recommencement du temps rythmé par la répétition sans fin des mêmes gestes et des mêmes paroles.

 

Dans cet imaginaire où tout recommence toujours, il n’y a de place ni pour l’aventure humaine, ni pour l’idée de progrès.

 

Dans cet univers où la nature commande tout, l’homme échappe à l’angoisse de l’histoire qui tenaille l’homme moderne mais l’homme reste immobile au milieu d’un ordre immuable ou tout semble être écrit d’avance.

 

Jamais l’homme ne s’élance vers l’avenir. Jamais il ne lui vient à l’idée de sortir de la répétition pour s’inventer un destin.
 
Le problème de l’Afrique et permettez à un ami de l’Afrique de le dire, il est là. Le défi de l’Afrique, c’est d’entrer davantage dans l’histoire. C’est de puiser en elle l’énergie, la force, l’envie, la volonté d’écouter et d’épouser sa propre histoire.

 

Alors? Eh oui, c'est vrai! Quelle honte! Méfaits de la démocratie participative, je me désolidarise de ce discours! Mais le mal est fait, il faudra à présent, partout en Afrique Noire surtout, s'en déprendre. C'est comme les nouvelles générations allemandes, ou les précédentes hippies qui en faisaient trop, qui doivent porter comme une croix le nazisme supposé de leurs grands-parents!

C'est pas comme si l'Afrique n'était pas le continent d'apparition des hominidés avec Toumaï (- 7 millions d'années) au Tchad et les premiers individus du genre Homo (Homo Habilis, - 2,7 millions d'années).

Les multiples inventions techniques de l' émancipation de ce dernier :  bipédie, feu, objets taillés, etc, tout cela hors de l'histoire?

Et la civilisation égyptienne? N'est-elle pas africaine? Que veut-on dire en ce cas? Que ce n'était pas des Noirs?

Précisément, Cheik Anta Diop (qui a donné son nom à l'université dans laquelle le discours a été dit!) a montré comment cette dernière s'origine au contraire tout au long du Nil, depuis sa source et justement en Afrique Noire. Les premiers Pharaons étaient noirs.

Plusieurs empires se sont ensuite succédés, le Songhaï, le Mali, qui, bien qu'il n'y ait pas de tradition écrite, laissent des édifices et des sculptures sur bois montrant un grand raffinement d'une part et l'existence d'un pouvoir centralisé évoquant l'existence d'un état organisé d'autre part.

C'est pas non plus comme si l'Afrique n'était pas entre autres et notamment aux sources multiples de la musique et de la danse dont Hervé nous régale toutes les semaines! Etc, etc...

Je ne suis pas historien mais j'en sais assez pour comprendre que ce discours est faux et raciste. C'est de la merde.

Il suppose chez "l'homme africain" une histoire dite "stationnaire" pour reprendre un concept de Levi-Strauss dans Race et Histoire.

Mais "l'homme africain", cela n'existe pas!

Diogène, alors qu'il déambulait l'air inquiet au milieu d'une foule, une lanterne à la main, répondait à un individu qui le questionnait sur sa conduite, qu'il cherchait un homme! Il voulait montrer par l'exemple qu'il n'existait pas Un Homme mais Des hommes. Les hommes ne sont pas des concepts mais des êtres vivants.

C'est donc l'ensemble des hommes et des femmes du continent (et ou oublie sa richesse, ses différences, au profit d'une identité rêvée, toujours le fameux "esprit de logique" Le semblable et l'identique) que l'on insulte en déclarant qu'ils n'ont pas d'histoire. Evidemment, l'Occident aurait, pour sa part, une histoire dite "cumulative", progressiste. C'est bien sûr une vision ethnocentrée et de plus une vue à court terme qui ne sait pas s'inscrire dans la grande durée (chère à l'historien Fernand Braudel), celle par exemple, de l'apparition des hominidés en Afrique centrale. De plus, elle isole les cultures comme si l'on pouvait définir quoi (techniques) appartient à qui avec rigueur alors que tout cela est poreux, procède d'échanges au cours du temps. Il existe une influence mutuelle entre les peuples que cela soit de l'imitation ou de l'opposition (comme aujourd'hui?).

Tout ce discours relève d'une erreur épistémologique. Toute histoire est cumulative. L'invention technique en soi n'est rien si les conditions socio-culturelles de son accueil, de son application, n'y sont pas. Il s'agit des conditions de mise en oeuvre de telle ou telle invention, de tel ou tel outil qui sont parfois absentes.

On a retrouvé par exemple dans le sous-sol grec une mini machine à vapeur dont on pense qu'elle faisait office de curiosité seulement. Son utilité n'a pas alors été vu. On exhume aussi au Pérou, par exemple, des jouets avec des roues mais la roue n'a pas été utilisée autrement que dans l'optique ludique. Le type de culture agraire d'alors n'en impliquait pas la nécessité. Seuls les usages, ici, différent.

Définir une civilisation comme étant stationnaire relève d'un préjugé et d'un manque de culture, de connaissances, justement, pour la juger. C'est la juger à l'aune de sa propre culture. C'est comme regarder la Terre vue du ciel et décréter que rien ne s'y passe si ce n'est une rotation selon un cycle de 24h immémorial.

Quels sont nos critères du progrès en histoire? Certains sociologues (Leslie White) le mesurent à la quantité d'énergie consommée par habitant. De tels critères, par exemple, on le voit, ne sont pas transposables. Appliquer nos critères aux autres cultures procède d'un 'faux évolutionnisme' qui est une erreur épistémologique c'est-à-dire que ce procédé se trompe d'objet d'étude, spécule sur l'identité supposée des civilisations.

Il ne faut pas considérer l'Occident comme étant à l'avant-garde d'une course, comme étant à une étape que les autres cultures devraient atteindre un jour. En ce cas, le type de critique reléguant d'autres civilisations au Néolithique ou au Moyen-âge serait fondé. L'historicité d'une culture est à évaluer selon les critères de cette culture elle-même (intérêt de l'ethnographie!).

L'une des propriétés de l'essence de l'existence humaine est la temporalité, l'historicité. Nous nous élançons sans cesse vers l'avenir, dans un projet qui donne sens à notre passé et à ce que nous jugeons être (notre moi) à présent. Contester l'historicité d'un peuple revient à le reléguer hors de l'humanité.

Actuellement, l'histoire évènementielle s'accélère en Afrique eu égard à la mondialisation de certains conflits existentiaux et culturels (et le récent massacre des 148 étudiants au Kenya l'atteste tout autant que nos nigerians girls). L'opposition d'une partie du monde, et de fait, sa radicalisation nous ouvre les yeux et fait entrer l'Afrique, avec l'effet d'une bombe (et c'est le cas de le dire!) dans l'histoire mondiale de façon active alors qu'elle y participait déjà (nous venons de le voir) mais d'une façon structurelle, non évènementielle (à l'échelle planétaire), d'une façon dormante pourrait-on dire.

C'est donc ce genre de discours (de merde) de Dakar qui a contribué à l'émergence de cette dynamique oppositionnelle de l'histoire des continents, en lieu et place d'une possible coopération porteuse de tant de promesses.

En ce sens, les massacres de Boko Haram nous concernent tous car les civilisations ne sont pas cloisonnées même si elles se construisent parfois dans l'opposition. Il en va aujourd'hui de la mondialisation de l'évènement et peut-être de faire un jour histoire commune. Il en va de la réalisation d'une histoire non seulement mondialisée mais coopérative.

Bring back our girls!

 

 

Bring back our girls

Ajouter un commentaire
 

Créer un site internet avec e-monsite - Signaler un contenu illicite sur ce site